L'avare de Molière

La tyrannie

 

Harpagon est un homme très avare qui a une fille, Élise, et un fils, Cléante. Après la mort de sa femme, c’est lui qui s’est occupé de ses deux enfants. Bien que très riche, il est obsédé par son argent et a la hantise qu’on le lui vole. Il n’a confiance en personne pas même en ses propres enfants. Pour devenir encore plus riche, Harpagon prête de l’argent à des taux d’intérêt très élevés.

Valère travaille comme intendant auprès d’Harpagon pour rester près d’Élise dont il est amoureux. Il voudrait bien la demander en mariage mais comme il n’a pas d’argent, il sait qu’Harpagon ne lui donnera jamais son accord. Valère, qui n’a plus revu ses parents depuis longtemps, est à leur recherche. Il espère avoir bientôt de leurs nouvelles car il est sûr qu’ils soutiendront son mariage avec Élise.

Pour le moment, le jeune homme doit continuer à servir Harpagon et à le flatter. De son côté, Élise veut parler de son amour pour Valère à son frère afin d’obtenir son soutien. Elle se rend auprès de lui pour se confier, mais elle le trouve très agité. Cléante prend aussitôt la parole.

— Comme je suis content de vous voir ma sœur, j’ai un secret à vous révéler ! Je ne peux plus attendre pour vous le dire : j’aime.
— Vous aimez ?
— Oui, je suis tombé amoureux de la plus charmante des jeunes filles. Elle s’appelle Mariane, elle est pauvre et vit seule avec sa mère âgée. Comme elle est tendre et douce ! Je veux me marier avec elle. Mais vous n’aimez pas, vous ne pouvez pas comprendre...
— Si seulement c’était vrai ! s’exclame Élise.
— Comment ? Vous aussi ma sœur vous êtes amoureuse ?
— Oui, mais comme nous aimons des personnes pauvres, j’ai peur que notre père s’oppose à nos désirs, ajoute tristement Élise.
— Si notre père s’oppose à notre mariage, nous partirons. Nous ne pouvons plus accepter sa tyrannie et son avarice. Il faut juste trouver de l’argent... Chut, le voilà qui arrive !
Harpagon entre dans la pièce où se trouvent ses enfants. Dans un premier temps, il ne les voit pas et continue de parler tout seul à voix haute.
— Ce n’est pas facile de garder chez soi une grosse somme d’argent. Les coffres-forts attirent les voleurs, c’est la première chose qu’ils attaquent. Est-ce que j’ai bien fait d’enterrer dans mon jardin les dix mille écus qu’on m’a rendus hier ?

Harpagon aperçoit alors ses enfants.

— Avez-vous entendu ce que je viens de dire ? leur demande-t-il inquiet.
— Quoi mon père ? demande Cléante.
— Ce que je viens de dire ?
— Non, répond Cléante.
— Si, vous avez certainement entendu : je disais qu’il est difficile aujourd’hui de trouver dix mille écus. Ceux qui possèdent une telle somme doivent être heureux... Hum, hum, j’espère que vous n’avez pas compris que c’est moi qui possède cette somme, n’est-ce pas ?
— Ce ne sont pas nos affaires, mon père. De toute façon, vous n’avez pas à vous plaindre, nous savons que vous possédez beaucoup de biens.
— C’est faux ! Ceux qui disent ça, sont des menteurs.
Mais laissons tomber cette discussion et parlons de mariage. Connaissez-vous une jeune fille qui s’appelle Mariane ?
— Oui, mon père, répond Cléante, enthousiaste.
— Comment trouvez-vous cette jeune fille? demande Harpagon.
— Elle est charmante, honnête et pleine d’esprit.
— Est-ce que vous ne pensez pas qu’elle mérite de se marier ? Certes, elle n’est pas très riche...
— L’argent n’a pas d’importance quand la jeune fille est honnête, reprend Cléante qui pense que son père veut le marier avec Mariane.
— Je suis heureux de voir que vous partagez mes sentiments car... j’ai décidé de l’épouser ! annonce Harpagon.
— Comment ? Vous, vous voulez épouser Mariane ?
— Oui, moi, moi, moi ! répète Harpagon, le sourire aux lèvres.
— Mais c’est impossible...

Cléante n’arrive pas à croire à cette nouvelle, « Quel malheur ! Mon père est mon rival ! » pense-t-il. Il ne dit rien à son père, fait semblant de se sentir mal et quitte la pièce, désespéré.


Harpagon reste seul avec sa fille Élise.

— Moi, je vais me marier avec Mariane et votre frère va épouser une riche veuve que j’ai rencontrée ce matin. Et vous Élise, vous êtes destinée au seigneur Anselme.
— Au seigneur Anselme ? demande la jeune fille, inquiète.
—  C’est un homme mûr, prudent et sage. Il n’a pas plus de cinquante ans et surtout, il est très riche.

Mais Élise pense à Valère.

— Je ne veux pas me marier, mon père, s’il vous plaît.
— En revanche ma fille vous allez vous marier, s’il vous plaît.
—  Je vous demande pardon mon père mais je ne veux pas l’épouser.
— Je vous demande pardon ma fille, mais vous allez l’épouser.
Et dès ce soir.
— Dès ce soir ? Ce n’est pas possible !
— Si c’est possible.
— Non.
— Si. Le brave homme a même accepté de vous prendre sans dot.
—  Avec ou sans dot, je ne veux pas me marier !
— Et pourtant ma fille, c’est bien ce que vous allez faire.

Comme son frère, Élise quitte Harpagon, désespérée par la nouvelle de son mariage. Elle va vite retrouver Valère pour lui annoncer la décision de son père.

Il faut absolument trouver un moyen pour empêcher ce mariage, dit Valère.
— Il doit se faire ce soir. Nous avons si peu de temps...
— J’ai une idée Élise, faites semblant d’être malade. Cela va nous faire gagner du temps.